ON A DIT OUI

Témoignage

parlé, chanté, dansé

C’est l’histoire d’une grossesse qui s’arrête avant d’arriver à son terme.
Une histoire de rencontres avec des soignant·es, des célébrant·es,
des ami·es qui se mettent au service d’un rituel hors du commun.
Une histoire d’amour qui transcende la peine.

Textes, mise en scène et interprétation :

Delphine Sappez
Matthieu Gourdon


Musique :

Mael Lhopiteau

Accompagnement à la création :

Gwenaëlle Baudoux


À 5 mois de grossesse, nous avons appris que notre fille était atteinte d’une maladie appelée spina bifida. On ne pouvait pas guérir cette maladie mais on pouvait opérer le bébé, de préférence in utero, pour rendre son corps viable. Ou bien interrompre la grossesse.
En quelques jours, nous avons dû renoncer au bébé « parfait » que nous avions rêvé, comprendre les conséquences de cette maladie dont nous ignorions l’existence, intégrer les implications des différentes options qui nous étaient proposées et tenter de nous projeter dans chacune d’elles, alors qu’elles nous semblaient aussi inacceptables les unes que les autres.

Conscients que c’était le seul moment où on nous donnerait le choix de la mort, nous avons choisi de ne pas faire le pari de mettre la vie et la santé de notre enfant entre les mains d’une médecine trop souvent déshumanisée, dont les moyens de prise en charge sont en baisse et où les souffrances physiques que peuvent endurer les bébés ne sont pas vraiment mentionnées.

Peut-on choisir la mort de son enfant et assumer de l’avoir choisie ?
La conviction profonde de protéger notre enfant en faisant ce choix-là ne nous a pas épargné la douleur et la peur de vivre cette séparation.
Alors nous avons choisi de prendre le temps, et de nous préparer au mieux à la vivre sereinement.

Nous avons pris le parti de raconter ce que nous vivions, et pris conscience du nombre insoupçonnable de personnes ayant perdu des enfants autour de nous.
Nous avons pris le temps de construire un projet d’accouchement qui nous ressemble avec l’hôpital, d’imaginer une belle cérémonie et de beaux rituels avec la coopérative funéraire, d’inviter nos familles et nos ami·es à partager ce grand passage de vie avec nous au cours d’un week-end de fête quelques jours avant la mort de notre fille.

La force du collectif nous a permis de traverser ce moment avec confiance.

Et puis la vie a repris, apportant le vide, le manque, la tristesse profonde, un abattement physique contre lequel nous ne pouvions pas lutter et une fragilité inconnue, qui nous rendait sensibles aux maladresses du monde extérieur, malgré le soutien de toutes les personnes qui avaient osé traverser cette aventure avec nous.
La soi-disant bienveillance de celle·ux qui encouragent à passer à autre chose, à avoir un autre enfant, à « faire le deuil » nous a fait ressentir une profonde solitude et nous a parfois fait douter de nous-mêmes, alors que nous sentions que raconter notre histoire nous aidait à mieux l’accepter, que chaque fleur semée, chaque acte posé pour rendre visible dans notre univers la trace du passage de notre fille était source d’apaisement.

Alors nous avons continué à raconter, à aller à la rencontre d’autres parents et nous avons choisi d’inviter leurs histoires dans ce témoignage où nous racontons avec les outils qui sont les nôtres (le chant, la danse, la parole) cette expérience qui nous a profondément transformés.

Que nous reste-t-il de nos morts ? Les odeurs, les souvenirs sensoriels s’atténuent avec le temps, ne laissant plus que des photos ou objets leur ayant appartenu… Et tellement de souvenirs, de moments partagés qui ont eu un impact sur nos vies. Dans le cas d’un bébé mort avant de naître, toutes ces traces sont minimes.
Mais le temps et la quantité peuvent-ils déterminer la puissance d’un amour?
De notre fille, il nous reste l’histoire de cet amour que nous avons ressenti et nourri dès les premiers instants, qui nous a guidés par-delà la souffrance.
En la partageant, en écoutant les histoires qui nous sont offertes en retour, nous donnons un sens au passage de notre fille dans nos vies, construisant une trace qui de jour en jour devient plus riche de rencontres avec les vivants qui nous entourent.

Nous racontons pour permettre à d’autres parents de parler de leurs enfants, pour que d’autres soient mieux préparés que nous l’étions, pour soutenir toutes les personnes qui se sentent isolées lorsqu’elles vivent avec le deuil, pour oser parler de nos morts et du lien que nous entretenons avec eux, pour accueillir la mort comme faisant partie intégrante de la vie.


Avec la participation de :

Lucie Pifteau : accompagnement création danse
Renaud Tefnin : regard extérieur
Leina Charbonnel : accompagnement création marionnettes
Caroline Ortega : création costume marionnette
Gino Salvino : répétiteur

Gigi Bigot, Pepito Mateo, Noémie Robert, Perrine Aterianus : regards extérieurs

I·elles ont prêté leur voix :

Nicole, Jeff, Marco, Claire, Riwanon, Dominique, Sylvie, Thomas, Murielle, Jasmine, Chloé, Chantal

I·elles témoignent :

Dr. Gwenaëlle Le Bouar, Claire, Manue, Gwenola, Anne, Hannes, Ulrike, Yan, Mathieu

Nous lui avons emprunté sa chanson :

Rémo Gary, auteur de Faire quelque chose avec la tristesse